
Le flou juridique entretenu par un droit européen mouvant et protéiforme interroge, en particulier dans le secteur aérien. Certes celui-ci est par nature complexe. Toutefois cela ne justifie pas tout ! Or certaines compagnies profitent de ce cadre européen mal défini pour légitimer des pratiques socialement inacceptables comme celle consistant à employer du personnel basé dans un pays mais sous contrat de travail d’un autre pays moins regardant. Il est urgent que les autorités européennes et nationales mettent de l’ordre dans tout cela si nous ne voulons pas que l’aviation civile européenne subisse le triste sort de la marine marchande et ses fameux pavillons de complaisance !
Question à la Commission avec demande de réponse écrite
Article 130 du règlement
Marie-Christine Arnautu (ENF)
Dans le guide pratique «Compétence judiciaire et loi applicable dans les différends internationaux entre travailleur et employeur» élaboré par la Commission, on peut lire le passage suivant (p. 10):
«S’il est souhaitable que les différends portant sur des contrats de travail soient autant que possible portés devant les tribunaux de l’État membre dont la loi régit le contrat, les critères appliqués pour déterminer, d’une part, la juridiction compétente et, d’autre part, la loi régissant les conflits du travail ne correspondent pas exactement. Par conséquent, le tribunal compétent peut devoir appliquer une loi étrangère à certains aspects de la demande».
Pour un document censé apporter une aide aux praticiens du droit et, justement, leur éviter ce type d’incertitude juridique, cela ne manque pas de sel et révèle les zones grises permises par certaines réglementations européennes. Dans le domaine de l’aviation, par exemple, ce flou juridique permet à Ryanair d’employer du personnel basé en Italie sous contrat irlandais ou à Norwegian d’aller chercher son personnel de bord en Thaïlande…
- La Commission a-t-elle l’intention de prendre des mesures efficaces pour faire cesser ces pratiques inacceptables ?
- Concernant les litiges du travail, peut-elle clarifier sa position exprimée dans le guide pratique susmentionné ?
Réponse donnée par Mme. Jourová au nom de la Commission le 5 avril 2017
Comme elle l’a souligné dans sa stratégie de l’aviation(1), la Commission accorde une attention particulière à la situation juridiquement complexe des équipages mobiles. Le guide pratique(2) mentionné par l’Honorable Parlementaire vise à permettre de déterminer la juridiction compétente(3) et la loi applicable(4) dans les situations transfrontalières auxquelles sont confrontés les équipages. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) est actuellement saisie d’une question relative à la détermination du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail dans des affaires impliquant spécifiquement d’anciens équipages(5). L’interprétation que la Cour donnera dans ces affaires jointes devrait apporter une plus grande clarté juridique.1. Comme elle l’a souligné dans sa stratégie de l’aviation(1), la Commission accorde une attention particulière à la situation juridiquement complexe des équipages mobiles. Le guide pratique(2) mentionné par l’Honorable Parlementaire vise à permettre de déterminer la juridiction compétente(3) et la loi applicable(4) dans les situations transfrontalières auxquelles sont confrontés les équipages. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) est actuellement saisie d’une question relative à la détermination du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail dans des affaires impliquant spécifiquement d’anciens équipages(5). L’interprétation que la Cour donnera dans ces affaires jointes devrait apporter une plus grande clarté juridique.
- Le guide pratique vise à fournir des informations sur les règles relatives à la compétence internationale et à la loi applicable et est sans préjudice de la compétence de la CJUE pour interpréter ces règles. Conformément au règlement de Bruxelles, les travailleurs ont le droit de choisir la juridiction du lieu où l’employeur est domicilié ou, en cas de différence, la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail. En ce qui concerne la loi applicable, en vertu de la convention de Rome et du règlement Rome I, les parties sont, en principe, libres de choisir la loi applicable au contrat de travail, mais, afin de protéger la partie la plus faible, ce choix ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable en l’absence d’un tel choix. Il s’ensuit que, dans certaines circonstances, une juridiction compétente serait obligée d’appliquer une loi étrangère.
La Commission estime que ces règles ne devraient pas être une source d’insécurité juridique.
(1) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une stratégie de l’aviation pour l’Europe, COM(2015) 598 final.
(2) Guide pratique sur la compétence judiciaire et la loi applicable dans les différends internationaux entre travailleur et employeur, élaboré par la Commission européenne en 2016.
(3) Règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO L 351 du 20.12.2012, p. 1).
(4) Règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement Européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (JO L 177 du 4.7.2008, p. 6).
(5) Affaires jointes C-168/16 et C-169/16.